Pourquoi préparer une conversation difficile change tout ?
Cet article fait suite au premier volet consacré à la peur d’aborder certains sujets et au coût de l’évitement.
Préparer une conversation difficile ne revient pas à tout contrôler. Cela consiste à créer les conditions d’un échange lucide, respectueux et utile.
Cette étape transforme la peur en méthode : elle apaise l’émotion, clarifie le message et restaure un sentiment de maîtrise.
Selon les travaux francophones en communication interpersonnelle, la préparation augmente la clarté du discours et réduit les comportements défensifs.
En pratique, elle vous aide à dire ce qui compte, sans vous perdre dans la réactivité.
Structurer son message avant l’échange
La préparation commence par le fond : clarifier ce que vous voulez dire, pourquoi vous le dites et ce que vous souhaitez obtenir. Cette structuration réduit la confusion, évite les procès d’intention et donne à l’autre une chance réelle de vous entendre.
Clarifier les faits sans juger
Décrivez des faits observables plutôt que d’attribuer des étiquettes.
Dire « Trois réunions ont commencé sans vous cette semaine » ouvre un dialogue, tandis que « Vous êtes toujours en retard » ferme la porte.
Cette bascule du jugement vers la description allège la défensivité et recentre la conversation sur du concret.
Définir le but réel de la conversation
Un objectif unique évite les messages contradictoires : informer, obtenir une information, échanger/négocier ou demander. Mélanger plusieurs intentions embrouille l’échange.
Formulez votre intention en une phrase simple : « Clarifier notre mode d’organisation », « Proposer une solution », « Poser une limite ».
Formuler une demande claire : la trame Fait → Impact → Demande
Appuyez-vous sur une structure en trois temps :
- Fait (ce qui s’est passé),
- Impact (conséquences concrètes),
- Demande (ce que vous souhaitez voir évoluer).
Par exemple : « Lors des deux dernières réunions (fait), les décisions n’ont pas été suivies d’action (impact). Pourrions-nous convenir d’un suivi hebdomadaire ? (demande) ». Cette trame allie précision et respect.
Anticiper les émotions pour rester stable
Une formulation juste ne suffit pas : votre état intérieur conditionne la réception du message.
Anticiper vos émotions et celles de l’autre vous permet d’entrer dans l’échange avec davantage de stabilité et de présence.
Le scénario du pire : apprivoiser la peur
Imaginez les réactions redoutées : refus, colère, silence. Puis préparez une réponse simple pour chaque cas : respirer et faire une pause, remercier pour l’écoute et reprogrammer, reformuler et recentrer.
Cette anticipation diminue la réactivité physiologique et évite les escalades inutiles.
Choisir son énergie émotionnelle
Décidez de l’énergie à incarner : calme, détermination, curiosité, connexion.
Avant l’entretien, prenez une minute pour ralentir le souffle et visualiser un échange posé. Une parole ferme mais paisible se mémorise mieux qu’un propos impulsif et confus.
Fixer un cadre et des limites protecteurs
Choisissez un lieu neutre et un moment disponible. Annoncez l’intention : « J’aimerais vous parler d’un point important pour trouver une solution ensemble. » Posez des limites de conduite : « Si la tension monte, faisons une pause et reprenons ensuite. »
Le cadre protège la relation sans la rigidifier.
La boussole MBE : Message – But – Énergie
La boussole MBE permet de rester aligné avant, pendant et après l’échange. Elle tient en trois questions : que dire exactement (Message), dans quel but (But), avec quelle énergie (Énergie) ?
Fiche pratique de préparation
- Message : phrase descriptive, sans jugement.
- But : intention principale (informer / obtenir / négocier / demander).
- Énergie : émotion ressource (calme, détermination, ouverture, coopération).
Exemple : « Aborder la répartition des tâches (message), pour clarifier les responsabilités (but), dans une énergie de coopération (énergie). »
Exemple d’application rapide
Contexte : un collègue remet ses livrables en retard.
- Message : « Trois livrables ont été remis après l’échéance. »
- But : « Clarifier l’organisation. »
- Énergie : « Confiance et recherche de solution. »
Le cap devient lisible et l’échange plus constructif.
Maintenir la clarté : questions, répétition, moment juste
La clarté se prépare et se cultive. Des questions ouvertes, un bref entraînement et un moment choisi renforcent la qualité de l’échange sans l’artificialiser.
Préparer trois questions clés
Prévoyez des questions qui ouvrent sans dévier :
- « Comment voyez-vous la situation ? »,
- « Qu’attendez-vous de moi ? »,
- « Quelles options vous semblent possibles ? »
Elles réduisent la défensivité et favorisent la co-construction.
Répéter sans figer
Relire ses notes, s’exercer à voix haute ou s’enregistrer affine le ton et le rythme.
L’objectif n’est pas d’apprendre un texte par cœur, mais de sécuriser la présence et la cohérence du message.
Choisir le bon moment
Le bon moment n’est pas l’instant parfait, mais celui où vous pouvez rester calme face à l’imprévu.
Fixez une échéance réaliste et tenez-la ; la clarté naît de l’action plus que de la rumination.
Préparer une conversation difficile, c’est déjà agir
Clarifier le message, définir le but, choisir l’énergie et poser un cadre constituent déjà des actes relationnels forts.
Préparer une conversation difficile ne garantit pas la facilité, mais augmente la qualité du dialogue et la probabilité d’un résultat utile pour chacun.
Vous prenez soin de la relation avant même que l’échange ne commence.
Mener la conversation et en tirer un apprentissage
Ce deuxième volet vous a donné la méthode de préparation : structurer le fond, anticiper les émotions, poser un cadre et utiliser la boussole MBE.
Dans le troisième article, vous verrez comment mener une conversation difficile : garder le cap grâce aux silences, recourir à la méta-communication, poser les bonnes questions, accueillir les émotions de l’autre sans vous y perdre, puis évaluer l’échange sans jugement pour progresser durablement.
Références principales :
-
Picard D. & Marc E. (2020). Relations et communications interpersonnelles. Dunod.
-
Revue RIMHE (2016). Les leviers de régulation des conflits interpersonnels.
-
Gross J. (2014). La régulation émotionnelle : modèles et applications cliniques. Éd. française.
-
Rosenberg M. B. (éd. fr.). Les mots sont des fenêtres (ou des murs). La Communication NonViolente.
-
Cahiers internationaux de psychologie sociale (2018). Influence des émotions sur la réception du message.
Vous avez aimé cet article ?
N'en ratez plus aucun : inscrivez-vous à notre lettre mensuelle.
Tous les mois, vous recevrez un mail avec l'ensemble des articles parus durant cette période.
Pas de spam, pas de publicité : vous n'aimez pas cela, nous non plus.
Laisser un commentaire