La norme NF S99-805 – Réel intérêt ou coup de bonneteau ?

Quand l’idée de la norme NF S99-805 a émergé et que nos syndicats ont commencé à communiquer sur le sujet, mon attention avait été éveillée.

En effet, dans un métier où aucune réglementation n’existe. L’apparition d’une norme est une excellente chose. J’étais impatiente d’en découvrir le fond, mais aussi la forme.

Après la publication très discrète de cette norme durant l’été 2021, l’apparition des premières offres de certification et des premiers articles de fond sur le sujet a réveillé mon intérêt.

Mais aujourd’hui, encore une fois, c’est la grande déception et je vous invite à découvrir pourquoi en détaillant ce qui se cache derrière ce NF S99-805.

La forme

Pour commencer, il faut rendre les honneurs à ma collègue Patricia PENOT qui a publié un très bon article sur le sujet dont je vais me permettre d’extraire 2 parties. Mais, quel que soit votre avis global, je vous invite à le lire.

Différences entre réglementation, norme, certification et label

Dans cet article, Patricia nous éclaire sur les différences entre réglementation, norme, certification et label.

« Une réglementation est imposée par la loi, alors qu’une norme définit les bonnes pratiques. Il existe deux types de normes :

Une norme volontaire est un document payant protégé par copyright (AFNOR – Association Française de Normalisation). Ce document décrit les prestations proposées et établit les critères qui permettent d’en assurer la qualité. Lorsqu’une norme volontaire existe dans un secteur professionnel, chacun peut choisir de s’y référer ou non. Pour autant, ce peut être un vrai plus par rapport aux consommateurs, pour les rassurer, parce qu’elle agit comme un cadre de référence, des lignes directrices, par rapport au service proposé. »

Source Patricia PENOT

Le processus d’évaluation

En plus de ces informations limpides, Patricia nous éclaire sur le point essentiel de l’évaluation de la conformité à la norme. C’est-à-dire comment pouvoir s’en prévaloir.

« L’évaluation de la conformité à une norme volontaire peut se faire selon trois modalités :

  • Il s’engage sur la qualité de sa production, de ses prestations ou de son organisation, à partir du référentiel de la norme. Un rapport d’audit interne est rédigé comme preuve de la conformité. Il peut être pris en charge par le responsable de l’assurance qualité au sein de l’entreprise par exemple.
  • . Une attestation de conformité peut être délivrée par le service qualité de consommateurs, après avoir réalisé un audit chez le prestataire.
  • . Cette conformité est attestée par un organisme tiers compétent à partir du moment où la norme existe, lequel se charge de vérifier que le produit ou le service répond aux exigences de la norme. Ces organismes tiers doivent être accrédités pour effectuer ces certifications. Ils se doivent d’être indépendants et impartiaux, comme par exemple des organismes de certification comme Afnor Certification, Marque NF, etc… »

Source Patricia PENOT

La norme NF S99-805

Maintenant que nous y voyons un peu plus clair sur le processus général, concentrons-nous sur la norme NF S 99-805 – Sophrologie – Qualité de service du sophrologue

En parcourant les différentes publications de l’AFNOR sur ce sujet, on découvre une chose très intéressante : il y a norme et norme. Il y a celles qui définissent des contraintes, des obligations légales… et celles qui ne sont que des listes de bonnes pratiques.

Sur le site de l’AFNOR on peut lire au sujet de la NF S99-805

Une norme à voir aussi comme la première marche d’une réflexion globale qui se poursuivra vers d’autres travaux communs, dont la durée de formation des sophrologues. En effet, ce sujet reste un point de désaccord entre professionnels, dont les modules de formation peuvent varier d’une semaine à… deux ans ! En attendant, la norme joue son rôle de guide, de concentré de bonnes pratiques, faisant apparaître, pour qui s’y conforme, une notion d’engagement proche du serment.

AFNOR

De fait, la norme NF S99-805 n’est liée à aucune mesure réglementaire édictée par les pouvoirs publics. Elle ne conditionne PAS votre capacité à exercer. Elle n’est qu’un guide, une liste de bonnes pratiques.

Le processus de certification

La norme NF S99-805 n’étant liée à aucune mesure réglementaire, elle fait partie des normes pour lesquelles l’évaluation se fait en « première partie ». C’est à chacun de décider s’il souhaite acheter la Norme (113,28 € HT) et décréter par lui-même d’en respectez tous les points.

C’est d’ailleurs la seule et unique façon d’être « Certifié NF S99-805 ». En effet, il n’existe AUCUN organisme certificateur.

Avant d’écrire cet article, j’ai pris le temps de solliciter les organismes suivants à fin d’obtenir le processus certification et les organismes en mesure de me certifier:

  • Association Française de Normalisation (AFNOR)
  • Comité Français d’accréditation (COFRAC)
  • SGS International Certification Service
  • VERITAS Certification France

Les réponses ont été unanimes : aucun organisme ne gère la certification à la norme NF S99-805 et personne n’a été en mesure de me communiquer la liste des organismes susceptibles de procéder à cette certification. Cela pour une raison très simple que tous m’ont signalés : cette norme étant en « première partie », aucune démarche n’est prévue.

Les offres sur le net

En fait, si vous regardez bien les offres qui circulent autour de cette norme, vous trouverez rapidement la subtilité. On ne vous propose pas la « Certification NF S99-805 », mais d’obtenir « un label basé sur la norme »…

Pour le dire autrement, on ne vous vend pas une certification par un organisme certificateur accrédité, mais un service qui s’assure que vous respectez la liste de bonnes pratiques. Si c’est le cas, vous avez droit à un « Label » qui appartient et ne dépend que de la société qui vous a vendu ce service. Cela n’a donc aucune valeur réglementaire.

En fait, n’importe qui peut créer un label « basé sur la norme », le déposer à l’INPI et vendre ce type de prestation au tarif et dans les conditions qu’il souhaite.

Alors, quel intérêt de se faire « labelliser » ?

Pour le sophrologue, soyons francs, aujourd’hui il n’y a absolument aucun intérêt à obtenir un label de certification.

Attention, je ne dis pas que la norme ne sert à rien. Identifier les bonnes pratiques et les promouvoir est toujours une démarche structurante. Il faut l’encourager.

Malheureusement, et c’est bien là ma grande déception, la démarche actuelle n’a qu’un but purement commercial, clairement affiché.

Ainsi, sur le site AFNOR, on peut lire qu’en plus de vendre des labels, certaines écoles et syndicats envisagent clairement d’autres utilisations.

Nous devons pouvoir circonscrire les risques liés à la profession. Cette norme va aider en ce sens, témoigne Marie Clerc, agent général chez Axa, qui a signé un contrat groupe avec la Chambre Syndicale de la Sophrologie pour assurer ses membres au titre de la responsabilité civile professionnelle. Aujourd’hui, les seuls critères dont disposent les assureurs pour assurer un sophrologue reposent sur un numéro de Siret, une preuve d’adhésion à la Chambre syndicale de la sophrologie, et un certificat ou un diplôme. La norme permettra, demain, d’affiner les garanties au plus près des spécificités et des besoins du métier de sophrologue.

AFNOR

Ainsi, plus nous serons nombreux à être labellisés, plus les écoles et syndicats auront de poids pour « rassurer » leurs partenaires. La norme deviendra une contrainte et s’imposera d’elle-même, à notre détriment !

En effet, la certification, intégrée à la formation ou vendue séparément deviendra un argument commercial plus fort que le RNCP. Par exemple, sans ce nouveau sésame, quelle sera la position d’AXA ? Un tarif plus élevé ? Et les autres partenaires ?

L’organisme qui revendiquera le plus de « labellisés » aura plus de poids. Il sera en position de force dans les discussion avec les partenaire sociaux, commerciaux ou même gouvernementaux. Bref, nous risquons de créer de nouvelles fractures là où nous aurions besoin d’unité.

Alors que faire ?

Comme à mon habitude, je ne ferai que partager mon point de vue. Et il se résume de la façon suivante :

La norme NF S99-805 est une bonne chose dans le sens où elle établit une première liste de bonnes pratiques.

Pourtant, il faut être clair : cette liste est incomplète. Les différents participants à la commission réfléchissent déjà à son évolution. Ce qui est aussi une excellente chose, mais ouvre de grandes questions.

En effet, que vaut ce label s’il est attribué aujourd’hui et que la norme évolue demain ? Le conserver n’a aucun sens puisqu’il certifie votre conformité à une norme dépassée. Cela n’a pas de sens tant que l’on reste sur une liste ouverte de bonne pratiques. Sauf à justifier un renouvellement régulier et lucratif pour l’organisme qui vous l’a vendu.

De fait, l’exploitation commerciale qui se dessine derrière la volonté de généralisation de cette norme – ou plutôt des « labels basés sur la NF S99-805 » ne me semble pas très saine. C’est assez éloigné de mes propres valeurs et me pose problème. Derrière une apparente volonté de standardisation, le doux bruit de la planche à billets semble toujours présent.

Pour finir, l’éternelle question de fond : cette norme fera-t-elle de nous de meilleurs sophrologues ?

Là aussi j’ai des doutes. Notre métier s’acquiert dans la durée, la pratique et le travail, pas en cochant les cases d’un questionnaire de conformité. Cette certification n’aurait de sens que si elle était attribuée par des organismes indépendants. Pas par ceux qui peuvent en tirer des bénéfices.

Et pour faire le parallèle avec les labels alimentaires, on peut parfaitement préparer un produit qui respecte le label et les normes sans qu’il soit bon et plaise à celui qui l’a dans son assiette…

J’espère avoir alimenté vos réflexions.