ennuiL’ennui : que de mauvais souvenirs évoque ce simple mot. Que de clichés et d’a priori il éveille en nous !

” L’oisiveté est la mère de tous les vices. “

Cette maxime nous rappel, comme un doigt accusateur que, chassé du paradis nous n’avons plus l’opportunité de nous ennuyer en possédant tous. Il nous faut travailler pour accumuler, mais aussi, peut-être, pour éviter de penser.

Pourtant, l’oisiveté est aussi source de créativité, de découvertes, de réponses aux questions que nous n’avions pas jusque là. Mais ce foisonnement créatif se mérite, mais le prix peut-être lourd.

Une vision négative de l’ennui

S’il est bien difficile de stigmatiser l’ennui, car nous n’avons aucune prise sur lui, tout est fait pour l’éviter. La notion de “société de loisirs” est là pour tenter de remplir le moindre vide qui pourrait laisser place à la réflexion, et le bonheur est presque devenu une obligation sociale.

En conséquence de quoi, l’oisiveté est devenue un véritable tabou. En effet, au 21e siècle l’ennui est devenu une activité improductive. Une charge, un fardeau social qui ne peut être que le symptôme de deux maux : la fainéantise ou la dépression.

L’image de Newton, s’ennuyant sous son arbre avant de recevoir une pomme sur la tête n’est plus. Si la notion de gravité n’avait pas été trouvée ainsi, le serait-elle aujourd’hui ? Newton aurait certainement été trop débordé pour rester dans le verger de sa mère.

Les vertus de l’ennui

On peut donc se demander si chasser toute perspective d’ennui ce n’est pas aussi se priver de ses bienfaits trop souvent oubliés ?

Dans un premier temps, l’ennui est l’une des voies les plus accessibles pour un retour vers soi.  En effet, il laisse enfin le temps de la réflexion ou du rêve. Un temps de lâcher-prise mental où l’on peut rêver, se projeter dans le futur ou se souvenir du passé. Un véritable luxe !

Ensuite, c’est un temps idéal pour notre cerveau. Il permet d’établir de nouvelles connexions, d’imaginer et de créer. Combien de fois avons-nous trouvé une solution limpide et évidente à un problème qui nous occupait… après une pause à ne rien faire ?

Sans que l’on ait quoi que ce soit à faire, l’ennui est un véritable stimulant pour notre cerveau. Certaines études disent qu’il est aussi actif durant ces périodes que lors d’un exercice demandant concentration et réflexion.

Pourtant, l’ennui se mérite. Il faut apprendre à passer outre les pressions sociales, la vision négative et échapper aux nombreuses injonctions qui nous en éloignent.

En conséquence de quoi, il devient une véritable discipline qu’il nous faut apprendre à maîtriser et qui comporte aussi quelques pièges.

Les pièges

Au-delà de la procrastination tant de fois mise en avant, il existe deux véritables pièges à l’ennui : la rumination et la peur du vide

La rumination

Si, comme nous l’avons vu précédemment, l’ennui est un formidable “moteur à penser”, il arrive que ce dernier nous conduise dans une voie sans issue : la rumination.

Sous prétexte de réflexions ou de souvenirs, la rumination nous embarque dans une boucle sans fin. A vouloir répondre à la question “pourquoi” plutôt que de chercher “quoi faire”, elle épuise inutilement toutes nos ressources.

A ce stade, la rumination n’est plus de l’ennui en ce sens qu’elle accapare nos pensées sur un objectif unique. Elle ne fait que s’entretenir elle-même, sans créer quoi que ce soit de productif ou de nouveau. Elle est donc nocive.

La peur du vide

A priori, la peur du vide pourrait être une excellente parade à l’ennui. En effet, affronter l’inconnu, se retrouver sans savoir que faire, peut paraître effrayant pour certains.

Parce que ce vide renvoie aux pressions sociales et à l’image négative de l’ennui, nous cherchons à le combler à tout prix. Nous comblons nos agendas en nous surchargeant de travail, nos tiroirs de choses inutiles et nos estomacs en mangeant plus que de raison.

Nous nous accrochons à nos téléphones, nos tablettes et les réseaux sociaux comme à des doudous électroniques. Quitte à en oublier que nous vivons dans un monde réel, constitué d’êtres vivants, pensants et aimants.

Apprenons à maîtriser ces peurs et à éviter les ruminations inutiles pour découvrir à quel point nos souvenirs étaient faux et combien l’ennui peu être doux et productif.

S’il restait à vous convaincre, je vous invite à lire les nombreux éloges de l’ennui, et en particulier le merveilleux texte “Éloge de l’Ennui et de la Paresse” de Jean d’Ormesson compris dans l’ouvrage Qu’ai-je donc fait ? édité chez Robert Laffont.