Tourner la pageTourner la page commence rarement par un simple effort de volonté.

Cette démarche demande bien plus qu’un désir d’oublier : elle implique un véritable travail d’introspection.

Que l’on sorte d’une rupture amoureuse, d’une relation toxique ou d’un contexte familial dysfonctionnel, la tentation de fuir le passé est forte. Pourtant, seule la confrontation avec ce passé permet une libération durable.

Pourquoi ? Parce que ce que nous refoulons reste actif, souvent à notre insu.

Ainsi, éviter ce qui fait mal revient à le renforcer. Comme le montrent plusieurs approches thérapeutiques, les émotions non exprimées continuent à s’imprimer dans notre corps, nos pensées et nos comportements.

En fuyant le passé, on le rend plus puissant. À l’inverse, lui faire face permet de l’intégrer. Tourner la page, ce n’est donc pas oublier, mais transformer.

Faire face : une étape incontournable

D’un point de vue psychologique, éviter ses souvenirs douloureux revient à leur laisser du pouvoir. Selon la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), l’évitement émotionnel alimente la souffrance. À court terme, cela soulage. Mais sur le long terme, cela empêche de tourner la page. En fuyant la douleur, on la cristallise.

De plus, plusieurs études montrent que le traitement émotionnel incomplet d’un événement – comme une séparation – entraîne anxiété, troubles du sommeil ou repli sur soi (Ehlers & Clark, 2000). À l’inverse, affronter ses ressentis avec lucidité permet de sortir du déni et d’enclencher un véritable processus de guérison.

Par conséquent, cette étape devient un passage obligé pour qui veut aller mieux. Ce face-à-face avec le passé demande du courage. Mais il ouvre la voie à une reconstruction plus consciente.

Reconnaître l’impact du passé pour tourner la page

Ainsi, vouloir tourner la page sans reconnaître ce que l’on a vécu, c’est comme vouloir guérir sans diagnostiquer la blessure. Les thérapies centrées sur le trauma, comme l’EMDR ou la psychothérapie psychodynamique, insistent sur l’importance de revisiter l’histoire personnelle. Cette revisite ne cherche pas à raviver la douleur, mais à transformer la perception de ce qui a été.

En particulier, les personnes issues de familles dysfonctionnelles ont souvent intériorisé des récits négatifs sur elles-mêmes. Ces croyances, si elles ne sont pas remises en question, sabotent les relations futures. Faire face, c’est donc aussi reprendre le pouvoir sur son récit de vie.

D’ailleurs, cette relecture du passé peut se faire en douceur. Grâce à l’écriture thérapeutique, à la visualisation ou à la parole libératrice, on peut réorganiser son vécu. Petit à petit, les émotions se calment. Et le regard sur soi s’adoucit.

Tourner la page face à un deuil bloqué

Souvent, ce qui empêche de tourner la page, c’est un deuil inachevé. Qu’il s’agisse d’une rupture amoureuse ou d’un abandon affectif, il existe un besoin fondamental de sens. Or, si ce sens n’est pas reconstruit, l’événement reste figé.

Selon William Worden, spécialiste du deuil, il est nécessaire de reconnaître la perte, vivre les émotions associées, s’adapter à une nouvelle réalité, et investir à nouveau dans la vie. Ces étapes ne peuvent être franchies que si l’on accepte de regarder la douleur en face. Ce processus est exigeant, mais profondément libérateur.

Par ailleurs, le deuil ne se vit pas seulement après un décès. On peut faire le deuil d’un rêve, d’un lien, d’une version idéalisée de soi. Tourner la page suppose donc de se délester de ces attachements invisibles. C’est cela aussi, faire de la place pour le neuf.

Réécrire son histoire

Une fois le passé confronté, il devient possible de lui donner un sens différent. La thérapie narrative, en particulier, aide à tourner la page en redéfinissant les événements. Au lieu de se percevoir comme victime d’un passé subi, on peut devenir le narrateur actif de son évolution.

Par exemple, une relation toxique peut, après un travail thérapeutique, être perçue comme un révélateur de besoins non entendus, ou comme un déclencheur de changement. Ce retournement de perspective favorise la résilience.

En effet, nous ne contrôlons pas ce qui nous est arrivé. Mais nous pouvons choisir ce que nous en faisons. Ce changement de posture est au cœur du processus de réparation. Et il rend enfin possible un renouveau véritable

Tourner la page sans effacer la mémoire

Souvent, on pense que tourner la page signifie effacer le souvenir. C’est faux. Le travail psychologique consiste à intégrer ce qui a été vécu, sans que cela continue à nous gouverner. Il s’agit de ne plus réagir en pilote automatique, à partir de blessures anciennes.

Comme le rappelle le psychiatre Christophe André, l’acceptation est un acte actif. Elle ne consiste pas à tout tolérer, mais à cesser de lutter contre ce qui ne peut être changé. Cette posture mentale ouvre l’espace pour de nouveaux choix, plus conscients, plus apaisés.

De même, la mémoire peut devenir un socle. Non pour se lamenter, mais pour s’appuyer sur ce qui a été compris. Ainsi, tourner la page revient à faire de la place en soi, sans renier ce qui a été.

Des outils concrets

Heureusement, il existe des outils concrets pour vous accompagner dans ce cheminement :

  • La sophrologie, pour accueillir et relâcher les tensions émotionnelles ;

  • L’écriture thérapeutique, pour structurer votre récit intérieur ;

  • La méditation de pleine conscience, pour vous reconnecter au présent ;

  • Le travail en thérapie, pour mettre en lumière les schémas inconscients.

À travers ces approches, tourner la page devient un processus actif de transformation, et non une fuite.

En complément, des pratiques comme le yoga, la danse ou l’art-thérapie favorisent l’expression non verbale. Ces disciplines réactivent la vitalité. Et elles renforcent la confiance dans la capacité à renaître.

Conclusion : tourner la page pour retrouver sa liberté

En définitive, tourner la page, ce n’est pas tourner le dos au passé, mais s’en libérer en profondeur. Cela demande du courage, de la patience et parfois de l’aide. Mais c’est aussi un acte fondateur : celui de se réconcilier avec soi, et d’ouvrir un espace intérieur disponible pour le renouveau.

Alors, pourquoi ne pas commencer maintenant ? Tourner la page ne signifie pas oublier. C’est choisir de ne plus rester bloqué. C’est prendre soin de soi. Et c’est, enfin, décider de redevenir auteur de sa propre vie.

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