Evaluer sans juger

Évaluer et juger, voici encore deux actions que notre cerveau réalise automatiquement, des millions de fois par jour, sans que nous nous en rendions compte.

Il me semblait difficilement concevable d’écrire une série d’articles sur les dérives de notre pilote automatique sans aborder ce sujet.

Aussi, je vous propose aujourd’hui de découvrir ce processus. Puis, nous tenterons de définir la différence qui existe entre évaluer et juger.

Enfin, nous verrons pourquoi et comment évaluer sans juger permet de poser les bases d’une analyse constructive et donc d’un apprentissage.

Le processus

Une partie du processus d’évaluation fait partie du fonctionnement « autonome » de notre cerveau. En effet, notre pilote automatique passe son temps à évaluer les situations, personnes, bruits, mouvements, etc. Il en déduit les réactions, gestes et actions à effectuer sans qu’il y ait besoin d’interroger la partie « consciente » de notre cerveau.

Mais, à côté du réflexe basique – comme prendre un parapluie quand il pleut – le processus d’évaluation est aussi sollicité quand il nous faut prendre des décisions particulières ou que nous sommes face à des situations qui questionnent.

Ainsi, on évalue les options au travail. Faut-il rester ou partir ? Comment augmenter la satisfaction de mon client ? Que vaut ce fournisseur ?

Il en va de même dans la vie privée, mais également de soi-même ! En effet, qui ne s’est jamais posé la question de savoir s’il ou elle avait réussi telle ou telle chose ? S’il ou elle avait atteint son objectif ?

Le processus d’évaluation est donc totalement naturel et sain, jusqu’à ce qu’il tombe dans le jugement.

Quelle différence entre évaluation et jugement ?

La différence fondamentale entre juger et évaluer repose sur la notion de valeurs personnelle. Mais le plus simple est de prendre un exemple simple ∴le recrutement d’une babysitter à qui nous devrons confier nos enfants.

Si nous sortons de l’entretien avec le sentiment d’un décalage entre nos valeurs personnelles et celles qui sont perçues (tenue vestimentaire, langage, prestance…), alors nous sommes dans le jugement.

À l’inverse, si nous décidons d’évaluer le décalage entre les valeurs de la personne (son expérience, sa capacité à établir le contact, son évaluation des besoins ou des situations…) et notre niveau d’exigence, alors nous sommes dans l’évaluation.

En effet, l’objectif de cet entretien n’est pas de trouver une personne qui nous ressemble et partage obligatoirement nos valeurs. Mais bien de trouver une personne qui prendra le plus grand soin de nos enfants et saura veiller sur eux et sur leur sécurité.

À l’issue de cet échange, le but est donc de savoir si l’on continue avec cette babysitter par ce qu’elle sait s’occuper de nos enfants ou si l’on en change. Pas de savoir ce qui la différencie de nous par le prisme de nos valeurs. Par conséquent, l’évaluation se doit de rester totalement neutre, en dehors de toute considération sur nos valeurs personnelles.

L’intérêt de la neutralité

Si l’exemple précédent met en évidence l’intérêt de la neutralité dans nos échanges avec les autres, il est assez simple de comprendre à quel point ça l’est vis-à-vis de soi-même.

En premier lieu, le jugement fait partie de ces déclencheurs de prophéties autoréalisatrices. En effet, le meilleur moyen de ne pas réussir quelque chose est de vous en juger incapable. Et cela, de préférence, avant même d’avoir essayé !

Dans cette situation, le jugement prend toute la place et ne laisse aucune chance à la réflexion. Il est comme les suppositions : il permet au cerveau de se cacher derrière des biais. C’est une paresse intellectuelle qui nous protège également de ce que nous ne voulons pas voir de nous-mêmes.

En effet, s’évaluer c’est aussi accepter de ne pas être au rendez-vous de nos exigences. Là où le jugement nous incite à repousser sur l’autre, l’évaluation neutre, objective, nous pousse à accepter nos défauts et nous invite à les corriger.

La neutralité de l’évaluation est donc à la fois l’élément essentiel et la difficulté majeure de ce processus. Mais c’est aussi le seul moyen de construire une vision objective du chemin restant à parcourir vers ce que l’on veut être.

Évaluer sans juger

Pour effectuer une analyse constructive des événements ou des interactions que nous avons avec les autres, il est donc essentiel de réussir à évaluer sans juger. Ainsi, il devient possible de prendre des décisions et faire des choix basés sur des faits et non pas sur des décalages entre nos valeurs personnelles et celles qui sont perçues.

Contrairement au jugement, qui pousse à masquer le problème ou à le reporter sur l’autre, l’évaluation nous oblige à nous comparer à des critères d’objectifs. À analyser ce qui fonctionne ou pas. Bref, à créer une boucle d’apprentissage qui nous fait grandir.

Pour arriver à cela, il est nécessaire d’apprendre à sortir du prisme des valeurs. À définir des critères objectifs. À mesurer des écarts qui se traduisent en actions pour les corriger.