pensées automatiquesLes pensées automatiques, comme leur nom le laisse sous-entendre, sont des mécanismes dont nous ne prenons pas conscience. Pourtant elles influent très fortement sur notre façon d’être, nos émotions, mais aussi nos actes.

Dans ces conditions, apprendre à les reconnaître permet d’éviter leurs pièges.

Ainsi, il devient possible d’adopter un regard différent, d’analyser les événements plutôt que de réagir en “pilote automatique”.

Ne plus se laisser guider par les pensées automatiques, c’est aussi retrouver le contrôle de ses émotions et donc du rapport aux autres. C’est retrouver notre capacité à interagir en toute conscience.

Que sont les pensées automatiques ?

Quoi de mieux pour expliciter un concept que de vous proposer une mise en situation? Aussi, je vous propose un exemple qui vous rappellera certainement une scène que vous avez déjà vécue : imaginez que vous soyez au bureau, ou chez vous, en pleine préparation d’un dossier important ou d’un événement qui demande toute votre attention. Bref, vous êtes sous pression, car vous voulez un résultat impeccable.

Subitement, un coup de fil ou la visite d’une personne. Celle-ci commence à pointer tous les défauts de votre travail, à faire des contre-propositions, à identifier les points faibles…

Même si vous finissez par mettre cette personne à la porte, il y a de fortes chances que les pensées automatiques aient déjà commencé leur travail. D’autant plus si vous l’avez mise à la porte sans ménagement ! La colère est une des émotions qui résulte le plus souvent des pensées automatiques. Vous avez réagi à chaud !

De même, si vous avez éconduit poliment la personne, cet échange a certainement créé la confusion dans votre esprit. Vous avez des doutes sur vos capacités à réussir, vous n’êtes plus très sûre de vous, de votre approche…

Ce concept des pensées automatiques a été formalisé par le psychiatre américain, professeur émérite du département de psychiatrie de l’Université de Pennsylvanie, Aaron Temkin Beck.

Accessoirement, le Dr Beck est aussi considéré comme le père de la thérapie cognitive et des critères d’évaluation de la dépression utilisés dans le cadre des dépistages thérapeutiques de cette maladie.

Reprendre le contrôle

D’abord, revenons quelques secondes sur notre petit scénario. Il est fort probable que vous vous soyez identifié dans l’une ou l’autre de situations. Maintenant, que se passerait-il si je vous disais que cette personne, à l’origine de cette réaction ne voulait que votre bien ? Qu’elle souhaite autant, si ce n’est plus, que vous votre réussite et qu’elle était prête à vous y aider ?

Ce simple exemple suffit certainement à vous faire toucher du doigt la problématique. Si le “pilote automatique” dont nous avons déjà parlé agit sur nos habitudes, les pensées automatiques influent sur nos relations aux autres et sur l’image de soi. Le syndrome de l’imposteur et l’autosabotage en sont des manifestations.

Il n’existe pas de multiple solution pour lutter contre ce problème. Pour l’utiliser, aucun exercice miracle. Il n’y a que la volonté et la persévérance.

La méthode proposée par le Dr Beck est simple et, sous certains angles, rappelle un peu l’aphorisme de Coluche :

Plus on pédale moins fort, moins on avance plus vite

Ici, nous allons devoir contraindre notre cerveau à pédaler moins fort. Et pour cela, il faut d’abord prendre le temps d’analyser ses pensées négatives. De les intercepter, de les réévaluer avant de les transformer en pensées réalistes.

Concepts de distorsions cognitives

Lors de ses études sur les dépressions, le Dr Beck a identifié six modes de pensées automatiques à l’origine de distorsions cognitives. En voici le résumé tiré de l’excellent site canadien Psychomédia :

  1. La pensée « tout ou rien » ou « noir ou blanc » : Penser de façon dichotomique (polarisée) sans nuance : tout ou rien, noir ou blanc, jamais ou toujours, bon ou mauvais…. Il n’y a pas de place pour le gris. Par ex., se voir comme un raté suite à une mauvaise performance. Cette distorsion est souvent présente dans le perfectionnisme.
  2. L’inférence arbitraire (conclusion hâtive) : Tirer des conclusions hâtives (habituellement négatives) à partir de peu d’évidence. Par ex., la lecture de la pensée d’autrui consiste à inférer les pensées possibles ou probables d’une personne ; l’erreur de prévision consiste à prendre pour des faits des attentes sur la tournure des événements.
  3. La surgénéralisation : Tirer une conclusion générale sur la base d’un seul (ou de quelques) incident(s). Par ex., si un événement négatif (tel qu’un échec) se produit, s’attendre à ce qu’il se reproduise constamment.
  4. L’abstraction sélective (ou filtre) : Tendance à s’attarder sur des détails négatifs dans une situation, ce qui amène à percevoir négativement l’ensemble de cette situation.
  5. La dramatisation et la minimisation : Amplifier l’importance de ses erreurs et ses lacunes. Considérer un événement désagréable, mais banal comme étant intolérable ou une catastrophe. Ou, au contraire, minimiser ses points forts et ses réussites ou considérer un événement heureux comme banal.
  6. La personnalisation : Penser à tort être responsable d’événements fâcheux hors de son contrôle ; penser à tort que ce que les autres font est lié à soi.

Par conséquent, la première action pour lutter contre les pensées négatives sera donc d’identifier si celles-ci s’apparentent à l’un de ces 6 critères

Les critères de Burns

En 1980, le psychologue David Burns a agrandi cette liste en y ajoutant 4 critères

  1. Le raisonnement émotionnel : Prendre pour acquis que des états émotifs correspondent à la réalité. Par exemple, considérer la peur comme une attestation du danger ; se dire « je suis stupide » plutôt que « je me sens stupide ».
  2. Les croyances sur ce qui devrait être fait (fausses obligations) : Avoir des attentes sur ce que l’on devrait, ou que les autres devraient, faire sans examen du réalisme de ces attentes étant données les capacités et les ressources disponibles dans la situation. Ce qui génère de la culpabilité et des sentiments de frustration, de colère et de ressentiment.
  3. L’étiquetage : Utiliser une étiquette, c’est-à-dire un qualificatif qui implique un jugement négatif, de façon qui représente une généralisation à outrance, plutôt que de décrire le comportement spécifique. Par ex., « Je suis un perdant » plutôt que de qualifier l’erreur.
  4. Le blâme : Tenir à tort les autres pour responsables de ses émotions ou au contraire se blâmer pour celles des autres.

Faire le tri et éprouver

Ensuite, si les pensées négatives son multiples, il vous faut les hiérarchiser. Quelle est celle qui provoque l’émotion la plus forte, la plus difficile ? En toute logique, ce sera la première à évaluer.

Il vous reste maintenant à déterminer, en toute objectivité, si cette émotion se base, ou non, sur une distorsion de la réalité et laquelle. Dans notre exemple, une simple question sur les intentions de la personne aurait suffi. Si nous avions connaissance des intentions, et même si la façon de faire reste perturbante, nous n’aurions pas agis de la même façon.

Mieux encore, nous aurions été heureux de savoir que cette personne était là pour nous soutenir. Qu’elle croyait en notre réussite. Nous aurions pu nous en faire une alliée.

Dans un autre ordre d’idée, nous aurions transformé des pensées négatives en pensées positives et créer du lien. Ainsi, cela aurait conforté notre estime de soi.

Pour conclure.

Travailler ses pensées automatiques est un processus long. Il demande un travail de tous les jours.

Il n’est pas question de faire “disparaître” l’émotion provoquée, ce n’est ni l’objectif ni même possible. Par contre, cela permet de l’utiliser pour déclencher le mécanisme, mieux gérer son stress et, par-dessus tout, créer des émotions positives. Car là est le moteur !

 

Bibliographie

La thérapie cognitive et les troubles émotionnels – Aaron T Beck