l'instant présentL’instant présent est devenu le saint Graal de ces dernières années.

Le marketing s’est emparé de cet instant présent. Il nous incite à profiter de l’instant, à le goûter, à le vivre de façon merveilleuse en famille.

D’un autre côté, la presse et les médias qui surfent sur le bien-être et le développement personnel nous incitent, eux aussi, à vivre l’instant présent. Tous nous offrent des techniques, des recettes pour arriver à cet objectif… mais pour quels résultats ?

Nous sommes nombreux à passer plus de temps à nous poser la question de savoir si nous vivons bien l’instant présent… qu’à le vivre réellement.

En effet, qui ne s‘est jamais posé la question de savoir ce qu’était l’instant présent ? Comment appliquer ce vers si connu des odes d’Horace : « Carpe diem, quam minimum credula postero » qui se traduit par «Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain » ?

Il ne me revient pas de répondre à cette question, car c’est à chacun d’y trouver sa propre réponse.

Néanmoins, dans cet article, je vous propose de faire le point sur ce concept de l’instant présent. Ensuite, nous pourrons essayer d’envisager les différentes stratégies qui sont à votre disposition pour le capturer et le vivre.

Le paradoxe de l’instant présent

En premier lieu, il nous faut donc parler de ce qu’est l’instant présent, et là commencent les difficultés. En effet, cet instant présent dont je vous parle a déjà disparu à la fin de cette phrase.

Vouloir capturer l’instant revient à vouloir capturer de l’eau : il vous file entre les doigts et disparaît sans que vous puissiez le retenir.

En outre, vivre le présent ne fait pas partie de nos habitudes, de nos schémas de pensée. Que ce soit au travers de nos modes de vie, du travail ou des outils numériques, nous passons notre temps à nous projeter dans le futur.

Notre conscience est souvent la source de regrets sur un passé pour lequel on culpabilise. Elle nous pousse au ressassent qui, à son tour, provoque le ressentiment.

Pour ces raisons, par réflexe de protection nous nous projetons toujours plus dans l’avenir, dans l’espoir. Mais cet espoir devient souvent angoisse. L’angoisse d’atteindre les objectifs de demain pour fuir l’échec d’hier.

L’instant présent n’a pas sa place dans ce schéma. Il entre en conflit permanent avec cette projection dans le futur. Le seul moyen de casser cette boucle est donc de modifier notre rapport au temps.

Attraper l’instant présent

Il existe trois stratégies pour modifier ce rapport au temps et essayer de capture l’instant présent. Cependant, chacune de ces stratégies procurera des résultats différents.

Dans ces conditions, le choix de celle que vous adopterez dépendra essentiellement de ce que vous souhaitez tirer de cet instant présent. Partant de ce fait, il devient donc évident que cette démarche de recherche devient consciente. Du moins dans 2 des 3 stratégies.

L’extase

En effet, l’extase  – qu’elle soit mystique, philosophique, poétique, gustative ou physique – est une façon de goûter à l’instant présent même sans s’y être préparé.

Cet état, dans lequel on se sent comme transporté hors de soi même, transforme l’instant présent en une vision, une jouissance extrême. Le temps éclate. La seconde et l’éternité ne font plus qu’un, dans un sentiment d’éternité.

L’extase passée, il ne reste plus rien. Rien ne nous permet de la reproduire à l’identique, si tant est qu’il soit possible de la reproduire.

Le Kaïros

Kaïros est l’un des dieux grecs du temps, avec Chronos et Aiôn. Kaïros représente le temps opportun, le bon moment. Pour le vivre, il faut s’entraîner à vivre pleinement.

En premier lieu, il nous faut prendre conscience de la fugacité de la vie, de sa fragilité. C’est le seul moyen de comprendre la nécessité de lui rendre de la profondeur.

Ensuite, il faudra apprendre à s’ouvrir à ce que chaque jour donne à vivre. À ne pas se laisser attacher par les liens du passé ni à nous projeter dans un futur déjà écrit.

À la lecture de ces mots, vous aurez certainement reconnu la voie : c’est celle de la méditation de pleine conscience.

Celle où l’expérience vécue remplace l’idée. Celle où prime la vision des choses telles qu’elles sont dans l’instant présent, sans jugement ni analyse.

Le présent élargi

Cette notion de présent élargi, que nous devons à Henri BERGSON, est un présent qui nous immerge, dans lequel on flotte. C’est l’instant présent qui prend une place beaucoup plus importante que celle de l’instant fugace.

Par exemple, c’est ce moment que vous vivez lors de l’écoute d’un morceau de musique qui vous transporte, lors d’une marche en silence à travers la nature, ou encore durant une séance de relaxation.

Au contraire de l’extase, c’est un l’instant présent qui se prolonge, le temps qui ralentit. Vous êtes bien, vous êtes présent à ce que vous faites.

Ainsi, le « Carpe Diem » d’Horace prends forme. On ne pense plus à l’avant ni à l’après. Les souvenirs du passé, comme les attentes du futur, sont repoussés. C’est ce que Bergson appelle la distorsion du temps.

C’est un espace, et un temps, dans lequel nous perdons ce qui nous différencie des autres espèces animales : la connaissance de notre finitude. La pression du temps n’existe plus et nous découvrons quelques instants de liberté absolue.

Pour conclure cet article, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cet extrait de ce film magnifique qu’est « Le cercle des poètes disparus ».

Y a-t-il plus belle démonstration et plus belle explication de ce vers d’Horace ? À vous de me le dire !

 

Bibliographie