Doctolib, creneaulib... pourquoi je n'adhère à aucun de ces services

Doctolib vient d’officialiser sa décision de ne plus accepter les médecines alternatives à partir d’avril 2023.

Si cette décision était attendue depuis plusieurs mois, je reste assez dubitative devant les réactions de confrères et consœurs face à ce retrait.

Comme beaucoup d’autres, je me suis longuement interrogé sur la pertinence de m’inscrire à ces services. Mais à chaque fois, le nombre de questions soulevé m’en a dissuadé.

Mon but aujourd’hui n’est donc pas de vous expliquer pourquoi il faut ou non adhérer à ces services. Mais bien de partager avec vous un certain nombre de pistes de réflexion. Chacun en fera bon usage… ou pas !

L’aspect comptable

L’une des questions le plus souvent posées au sujet des plateformes porte sur la rentabilité d’une telle inscription. Puisque c’est Doctolib qui polarise l’attention, je vous propose de nous pencher sur cette dernière. Par ailleurs, la quantité de chiffres, statistiques et autres promesses qu’elle diffuse nous facilite le travail.

Pour toutes les plateformes, la promesse globale faite aux thérapeutes est la même : plus de visibilité et donc, comme si cela coulait de source, plus de revenus ! Doctolib va même jusqu’à chiffrer cette promesse pour les thérapeutes du secteur « bien-être » : 9 nouveaux patients par mois pour la somme de 139€ TTC par mois, soit 1 668€ par an.

Doctolib en chiffre

Sur le papier, tout va bien. Avec une consultation moyenne à 60€, cela donne 9×60=540€ de chiffre d’affaires, moins les 139€ d’abonnement, soit 401€ de bénéfice.

Doctolib - rentabilité
Simulation pour un autoentrepreneur

Enfin, pas tout à fait. Si vous êtes en autoentreprise, non seulement, les 139€ ne sont pas récupérables, mais en plus vous êtes taxé sur les 540€ de chiffre d’affaires à hauteur de 118,80€. Le bénéfice mensuel n’est donc plus que de 540-(139+118,80)=282,20€.

À ce stade, on peut encore se dire que c’est intéressant. Mais il ne faut pas oublier que ces chiffres reposent sur une hypothèse de 9 clients.

Dans les faits, le tableau ci-contre montre que pour un autoentrepreneur, il faut un minimum de 3 ou 4 nouveaux clients par mois pour ne pas perdre d’argent avec Doctolib.

Pour certains, cet objectif annoncé est facile à atteindre. Si vous êtes en ville, avec une population relativement jeune et urbaine ou peu de concurrence… Pour d’autres, les choses seront beaucoup plus difficiles, voire inatteignables.

Il est donc impossible d’établir une généralité. Il y aura autant de cas de figure que de sophrologues. Mais c’est un élément à prendre en compte dans vos budgets.

Avant d’en terminer avec les chiffres, juste un dernier rappel : Doctolib, comme d’autres, est gratuit pour les clients. Et comme vous le savez, sur internet, quand c’est gratuit, c’est que le produit, c’est vous !

Par conséquent, en passant par ces plateformes, vous leur offrez les données de vos clients. Elles se payent en les utilisant et en les revendant. Et cela leur rapporte beaucoup plus que votre simple abonnement ! Pour ma part, ce facteur éthique est important.

L’aspect de la relation client / thérapeute

Pour commencer, je pense qu’il est important de rappeler l’objectif de ces plateformes. En effet, trop souvent, nous ne voyons que deux facettes : celles de la potentielle augmentation de fréquentation et de la visibilité. De fait, nous oublions la fonctionnalité principale, la raison d’être d’un Doctolib, Creneaulib ou toute autre plateforme de prise de rendez-vous, qui peut se résumer de la façon suivante :

« Permettre à tous de rechercher un praticien et prendre, modifier ou annuler un rendez-vous à n’importe quel moment, depuis son téléphone ou son ordinateur. »

Sans cette fonction de base, les plateformes n’ont aucune valeur ajoutée pour les utilisateurs. Toutes les autres fonctionnalités ne sont qu’annexes ou optionnelles.

De fait, utiliser une plateforme comme Doctolib, ou autre changent totalement le paradigme de la relation client / praticien.

En effet, nous passons d’un modèle où le praticien, après un premier échange téléphonique sur le besoin, fixait la date et l’heure du rendez-vous, à un modèle où le client définit ses exigences de temps et arrive sans avoir eu le moindre contact préalable.

Les changements induits

Si, pour certains cela semble normal, pour moi cela a de nombreuses conséquences. Tant sur la relation de confiance que je me dois d’établir avec mes clients, que sur ma façon de travailler.

La prise de rendez-vous

Pour moi, le premier contact téléphonique permet de prendre le temps d’écouter la demande du client. C’est essentiel pour comprendre ce qui l’amène. Cela m’aide à appréhender notre premier rendez-vous.

En fonction de cet échange, je sais si le rendez-vous sera « classique » ou s’il me faudra prendre le temps, me préparer à dépasser la durée habituelle. Le rendez-vous que je lui proposerai tiendra compte de ces facteurs et de ma capacité à consacrer le temps nécessaire. De plus, je pourrais m’y préparer et commencer à construire l’accompagnement que je lui proposerai.

Offrir à un nouveau client la possibilité de choisir sa date et son heure de rendez-vous sur un calendrier me fait perdre ce premier contact. Comment savoir ce qui m’attend et m’y préparer ?

La modification ou l’annulation sur Doctolib

D’après les statistiques (invérifiables) de Doctolib, ce type de plateforme vous permet de réduire de 30% les rendez-vous non honorés. Soit, mais une fois encore il faut bien lire la promesse.

Cela ne signifie pas que vous n’aurez plus de rendez-vous non honorés, mais 30% en moins… il faudra donc 4 rendez-vous annulés pour espérer en éviter 1 et perdre les 3 autres.

À titre personnel, je suis en dessous de ce seuil. J’ai rarement plus de 3 rendez-vous annulés par mois. Par ailleurs, comme je dispose des coordonnées téléphoniques de mes clients ou qu’ils m’appellent pour modifier ou annuler une date, je peux fixer un nouveau rendez-vous.

Sur une plateforme, impossible d’avoir ce type d’interaction. Le client annule son rendez-vous d’un simple clic et souvent sans le reprogrammer.

Cette liberté du client a un prix, une contre partie : la perte, pour le thérapeute, de la maîtrise de son temps. Je pense en particulier à tous ceux qui louent leurs cabinets au temps passé et se retrouvent avec des agendas à trous, car un client a annulé dans la nuit, ou le matin même. L’outil informatique le libère de tous les freins et de toute justification. Il encourage ce type de comportements.

Le moindre oubli de synchronisation et vous risquez le télescopage entre des rendez-vous et ce que vous aviez prévu de faire (administratif, commercial, formation…). Soit vous devenez l’esclave de votre agenda client, soit vous passez votre temps à le mettre à jour.

Les avantages à ne pas utiliser une plateforme comme Doctolib

Pour moi, si l’on met l’aspect économique à part malgré son importance, ne pas utiliser une plateforme comme Doctolib me permet donc de :

  • Créer un premier contact avec mon client avant même de le rencontrer.
  • Comprendre sa demande.
  • Expliquer la démarche et d’en valider l’intérêt avec lui.
  • Trouver le meilleur moment pour le recevoir et lui accorder le temps nécessaire.
  • Me préparer à répondre à ses demandes.
  • Comprendre pourquoi il/elle modifie ou annule son rendez-vous.
  • Lui proposer un nouveau rendez-vous ou l’orienter vers d’autres thérapeutes.
    Bref, de tisser une relation de confiance, basée sur l’échange. Et pour moi, cela vaut bien plus qu’une pseudo-promesse de rentabilité qui se ferait au détriment de tout cela.
  • Garder la liberté d’organiser mon temps et de m’organiser au fil de l’eau.

Ceci étant, je comprends que l’opération soit financièrement rentable pour certains et que la décision de Doctolib soit source d’inquiétude. J’espère, peut-être naïvement, que ce sera l’occasion pour eux de se poser de bonnes questions. Tant sur l’utilité de payer ce type de service, que sur les conséquences que cela peut avoir.

Mais ce qui est certains, c’est que si Doctolib ne propose pas de plateforme dédiée aux thérapeutes sans numéros ADELI ou RPPS, il y aura toujours des concurrents pour prendre la place, vos abonnements et les données de vos clients. Le tout sur la base de belles promesses