intelligence émotionnelle chez l'enfant
Expliquer sans banaliser ni frustrer

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L’intelligence émotionnelle n’est pas réservée au monde des adultes et de l’entreprise. Bien au contraire.

Depuis que le monde est monde et que nous donnons la vie, nos enfants grandissent en nous imitant. Ils imitent nos gestes, nos attitudes, mais aussi nos façons de nous exprimer et d’exprimer nos émotions.

Aussi, développer leur intelligence émotionnelle, c’est leur donner les outils et les capacités de vivre leurs émotions et de les maîtriser sans les occulter.

Dans cet article, je vous propose de revenir sur le concept d’intelligence émotionnelle. Ensuite, nous aborderons son utilisation dans le processus éducatif. Pour finir, nous aborderons la mise en pratique au travers de quelques gestes et habitudes simples.

L’intelligence émotionnelle

Le concept d’intelligence émotionnelle est apparu dans les années 90, sur la base des travaux des psychologues John Mayer et Peter Salovey. Mais c’est à Daniel Goleman, psychologue et auteur, que l’on doit sa popularité. En effet, il a été l’un des premiers à développer le concept dans un ouvrage de plus de 900 pages et qui reste la référence en la matière.

L’intelligence émotionnelle se définit comme :

La capacité à percevoir l’émotion, à l’intégrer pour faciliter la pensée; à comprendre les émotions et à les maîtriser afin de favoriser l’épanouissement personnel.

Promue au rang de soft skills et présentée comme une nouvelle composante du management jusque dans les pages de la prestigieuse Harvard Business Review, l’intelligence émotionnelle existe pourtant depuis que nous donnons la vie et élevons nos enfants.

L’apprentissage émotionnel

L’intelligence émotionnelle commence dès le plus jeune âge. L’enfant apprend par imitation. Il reproduit nos gestes, nos attitudes et parfois nos paroles. Si ces éléments nous font parfois sourire, il est un autre apprentissage beaucoup moins visible et bien plus important.

En effet, nos enfants reproduisent nos comportements et la façon dont nous gérons nos émotions. Non seulement ils nous imitent, mais, dans le cadre de leur processus d’apprentissage, ces comportements et la façon dont nous gérons nos étions prennent valeur d’exemple. L’enfant crée sa norme à partir de ce qu’il vit au quotidien. Son intelligence émotionnelle se construit au fil de ces expérimentations.

De fait, s’il vous voit exploser de colère à chaque contrariété, cette attitude lui semblera normale et il l’adoptera. Il pensera que le sentiment de colère s’exprime en s’énervant, en gesticulant, en criant et en invectivant les autres.

Devons-nous pour autant devenir des Gandhi ou des Dalaï-Lamas ? Bien sûr que non. Les émotions ont autant leur place dans la vie privée qu’au travail. Mais tout est dans la façon de les exprimer.

Ainsi, autant s’en prendre à l’automobiliste d’en face en exprimant sa colère puis en ruminant n’apporte rien. Autant verbaliser et expliquer les choses, le pourquoi, ce que cela nous fait ressentir, relativiser la gravité et rassurer sont autant d’éléments qui changent radicalement les choses.

Apprendre à identifier et maîtriser ses émotions

L’un des concepts clés de l’intelligence émotionnelle est que cette dernière casse le clivage qui existait entre passion et raison. La notion d’intelligence, jusque là cantonnée au monde de la pensée et de la réflexion, s’ouvre à celui des émotions et de l’affect.

Ainsi, accompagner nos enfants dans l’apprentissage de cette intelligence émotionnelle, c’est leur offrir la possibilité de construire une vision plus fine, plus sensible du monde. De construire des relations plus riches, plus sincères avec les autres. Des relations qui laissent la place aux émotions, car elles sont reconnues et comprises.

Mais, tout comme l’apprentissage de la relaxation, l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle se heure à des réalités bien concrètes. En effet, le jeune enfant ne dispose ni de la maîtrise de son schéma corporel ni du langage qui lui permettent de décrypter et d’exprimer ce qu’il ressent ou éprouve. Le rôle des parents est donc de les accompagner dans cet apprentissage. De leur fournir les outils et méthodes.

Le rôle de l’accompagnement

L’apprentissage de l’intelligence émotionnelle consistera donc à transmettre à nos enfants la façon de vivre avec ses émotions, à les comprendre et à réguler leurs manifestations.

Il est important de veiller à ne surtout ni banaliser ni empêcher l’expression de ces émotions. Ainsi, les simples phrases « ce n’est pas grave » et « arrête de pleurer » n’ont pas d’autres interprétations que « ce que tu me dis n’a aucune importance et j’ai autre chose à faire que d’écouter ce que tu tentes de me dire ». Bref, vous l’avez compris, ce sont des sources de frustrations qui, à force de s’accumuler, finissent par modifier profondément les comportements.

À l’inverse, l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle nécessite d’apprendre à exprimer ce ressenti. Pour cela, nous devons prendre l’habitude de nommer les choses qu’il ressent. De poser des mots pour décrire les sensations et les émotions qu’il ressent, mais aussi les modifications physiques qu’elles peuvent créer.

Ainsi quand il est en colère, il devient tout rouge, son cœur bat plus vite, il a envie de crier… oui, il a le droit de ressentir cette colère et de l’exprimer. Mais il doit aussi apprendre à la maîtriser et à la dépasser.

L’apprentissage

L’apprentissage de l’intelligence émotionnelle est long. Il se fait au fil des années et des situations. Rien ne nous prépare vraiment à l’éducation de nos enfants. Aussi bien documentéS et informéS que nous le pensions, nous sommes toujours dans la découverte et l’expérimentation. Il nous faut éprouver avant d’apprendre. Vous ferez des maladresses, des erreurs, mais dites vous que ce sera toujours mieux que de ne rien faire. Votre enfant comme vous sortirez grandis de cette démarche.

Souvent démunis face à la situation, nous nous ruons sur les gadgets dédiés à la gestion des émotions. Pourtant, avec le recul, vous vous rendrez certainement compte que les choses simples sont souvent les plus efficaces en matière d’intelligence émotionnelle.

Ainsi, un simple imagier des émotions ou un cahier dans lequel vous aurez collé des photos qui illustrent les principales émotions suffit à ouvrir l’échange. De même, un miroir permet de lui montrer, de lui expliquer les modifications physiques, sans le culpabiliser ni le moquer. Pour finir, un coussin sur lequel il pourra exprimer sa colère mais aussi son besoin de réconfort.

Enfin, ne négligez pas l’utilité d’un espace dédié. Une « zone de confort » où votre enfant sera certain de retrouver tous les éléments cités précédemment. Mais attention, ce ne doit pas être une punition que d’y aller. Au contraire, c’est l’endroit où il peut s’exprimer et revenir au calme, avec ou sans vous.

L’intelligence émotionnelle : l’effet miroir

Vous constaterez très rapidement que l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle est un acte bien plus exigeant pour les parents que pour les enfants.

Aussi bonne qu’ait été l’éducation reçue de nos parents, la vie et la société dans laquelle nous évoluons ont certainement modifié en profondeur notre rapport aux émotions.

La nécessaire exemplarité, le fait de poser des mots, d’expliquer, de rassurer et d’apprendre à maîtriser ses sentiments nous renvoient souvent à notre propre intelligence émotionnelle. En accompagnant nos enfants, ou petits enfants, sur ce chemin, nous devons souvent faire face à nos propres failles. Nous grandissons à l’unisson.

Références :