DeuilParler du deuil dans cette période bousculée par une actualité atroce me semblait être une évidence cette semaine.

Comment continuer à écrire sur le bien-être, sur la nécessaire joie de vivre ?

Comment vous inviter à profiter de chaque minute qui passe, de chaque petit bonheur, de chaque grain de sel qu’apporte la vie alors que 17 personnes ont été fauchées par la bêtise et la barbarie ? Cela me paraissait trop dur.

Pourtant, après réflexion, la seule façon de leur rendre hommage est de reprendre le cours de la vie, encore plus fort et avec plus de joie, mais pour cela, il faut d’abord apprendre à faire son deuil, comme pour un être cher.

Notre rapport à la mort

Le rapport à la mort diffère beaucoup selon les cultures et les croyances religieuses sur lesquelles elles s’appuient. Ainsi, chacun n’a pas la même vision, le même ressenti du deuil.

Pour certains, la mort physique n’est qu’une étape normale de la vie. Elle est totalement séparée de l’aspect affectif. La mort est totalement intégrée à la culture et ne représente qu’une transition entre deux segments. Les cérémonies marquent ce passage, mais la vie reprend vite ses droits, en intégrant ce changement.

Cette absence de période de deuil au sens judéo-chrétien du terme ne signifie pas l’oubli de la personne disparue, bien au contraire ! Ces cultures qui acceptent la mort comme « normale » ont souvent un culte des ancêtres beaucoup plus développé que celui que nous pouvons avoir.

Dans nos cultures occidentales, la donne est totalement différente. Notre culture judéo-chrétienne qui a façonné nos société s’appuie, d’une part sur le postulat que le divin s’incarnait dans l’humain et plus précisément dans sa représentation vivante et, d’autre part, sur la doctrine du salut : la mort de la mort et la victoire de l’amour sur la finitude humaine.

Cette approche a créé une vision totalement différente de la mort dans laquelle la disparition physique est prédominante. Elle est, depuis des siècles, considérée comme une véritable rupture, une perte irréparable et une injustice.

Injustice d’autant plus grande aujourd’hui que, depuis quelques décennies, la mort est devenue un sujet tabou, occulté, voire nié. Nous tournons les yeux devant elle et refusons même de l’envisager. Pire, nous courons après le mythe de la jeunesse et de la beauté éternelle.

Vivre son deuil

Ce refus ne fait qu’accroître la difficulté à vivre l’instant inéluctable de la mort et ne rends que plus difficile la période de deuil. Mais qu’est-ce que ce deuil et qu’appelons-nous faire son deuil ?

Le deuil, à l’origine, désignait les réactions sociales, c’est à dire des usages, des rites, voire de restrictions liées à la mort d’une personne. Le deuil influençait de façon concrète les actes de la vie courante, on « portait » le deuil.

Aujourd’hui, nous considérons plus le deuil sous les aspects des conséquences psychologiques, affectives et comportementales et parfois physiques liés à cette disparition.

La conception du deuil par la docteure Élisabeth Kübler-Ross  n’est pas très éloignée de celle du changement dont nous avons déjà parlé.

Cette psychiatre a élaboré une théorie qui définit cinq phases au deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression puis l’acceptation. La phase d’acception marquant, toujours d’après cette étude, la disparition sociale et le réajustement nécessaire des relations au sein de la famille.

Durant toute cette période l’aide et la solidarité entre les proches est un élément essentiel au soutien psychologique et au processus de deuil. Ces deux éléments permettent à ceux qui restent de traverser ces périodes de stress intense et d’atteindre la phase d’acceptation avant de pouvoir reprendre le cours de la vie.

Reprendre le cours de la vie sociale est important, car vivre prostré ou dans la colère d’avoir perdu un être cher n’a aucun sens, ni pour celui qui est parti ni pour celui qui reste. Prendre conscience de cela n’est pas toujours facile et il faut parfois du temps pour s’en persuader.

Faire son deuil n’est pas oublier !

Faire son deuil ne signifie pas non plus oublier, passer l’éponge et faire comme si de rien n’était. Non, faire son deuil c’est bien différent.

Faire son deuil, c’est encore une fois lâcher-prise. C’est lâcher-prise sur ce qui ne peut être changé, l’accepter an tant que tel, de façon objective. C’est prendre le temps et réfléchir aux enseignements que l’on tire de cette épreuve, revoir ses valeurs de vie, ajuster ses priorités.

La mémoire, l’inspiration, l’influence de celui ou de ceux que l’on a perdus ne peuvent venir qu’après cette étape. Ils doivent être le terreau de nouveaux projets, d’un « après » différent, porteur de sens et empreint de leurs présences.

Vivre, plus fort, plus intensément est, à mon avis, le plus beau moyen de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés. Tout faire pour que demain soit encore meilleur restera la plus belle façon d’honorer leur mémoire.