Dépression

Le 7 avril dernier, le blog des Éditions Diateino publiait un billet posant une question très intéressante : comment exercer une profession à haute responsabilité quand on souffre d’une maladie mentale ?

Ce billet, traduit de l’anglais par Angélique Walter, a été initialement publié sur le site de la Harvard Business Review. Son auteur, Diane Coutu, s’appuie sur la récente tragédie de la Germanwings pour poser et développer cette question au travers de son expérience personnelle.

Avec ce partage d’expérience, l’auteur nous montre à quel point, aux États-Unis, l’intégration en entreprise s’effectue naturellement, quel que soit votre maladie ou votre handicap.

Pourtant, une chose me gêne dans cet article : la maladie mentale dont Diane Coutu avoue souffrir est la dépression. Cela signifie-t-il que nous tombions dans la maladie mentale dès le premier coup de déprime ? Au fait quelle différence entre déprime et dépression ?

Quand la dépression devient-elle une maladie mentale ?

Partant du principe que nous sommes toutes et tous, à un moment ou à un autre, à un degré plus ou moins prononcé, déprimés, la question de savoir si la dépression est une maladie mentale ma paraît légitime.

Commençons par clarifier les choses : il n’existe, en matière de définition par la médecine, aucune différence entre déprime et dépression. Le terme déprime caractérise un état dépressif.

Passons maintenant à la définition générale de la dépression :

État pathologique caractérisé par une humeur triste et douloureuse associée à une réduction de l’activité psychomotrice et à un désintérêt intellectuel.

Considérons maintenant la notion de maladie mentale telle qu’elle est définie par le Larousse médical :

Selon leur gravité, on distingue différents types de maladies mentales. Les plus graves sont les psychoses, qui altèrent profondément la perception de la réalité ainsi que le comportement affectif et social du sujet ; les névroses sont, à la différence des psychoses, des affections moins profondes, au cours desquelles le sujet reste conscient du caractère pathologique de ses troubles. Entre les deux se situent les troubles de la personnalité comme les états limites (borderline), les troubles du comportement (psychopathie, comportement antisocial) et les affections psychosomatiques…

L’humeur triste est-elle considérée comme une altération profonde de notre comportement affectif et social ? Heureusement non, mais cela montre bien toute l’ambiguité du sujet.

Certaines formes de déprimes sévères, récurrentes et à caractères mélancoliques, comme semblait en présenter le copilote de la Germanwings, relèvent effectivement de la maladie. Ces formes sont connues et l’identification en est facilitée par les critères du DSM-V. Elles doivent faire l’objet d’un traitement médical particulier et d’un suivi psychologique par un thérapeute.

En dehors de ces critères, sans être thérapeute ni psychologue, je ne crois pas que l’on puisse réellement considérer les états dépressifs passages comme une véritable maladie mentale au sens stricte.

Dépression et travail.

Aujourd’hui, le monde du travail est le premier à accepter, ou à fermer les yeux, sur un état dépressif. Il y a trois raisons à cela :

  1. Fixer une limite, autre que celle définie par la médecine, à partir de laquelle la dépression deviendrait incapacitante ouvrirait la porte à l’arbitraire. Qui d’autres que le médecin et sur quels critères peut-on juger de l'(in)aptitude à assumer sa mission ?
  2. L’entreprise est elle même génératrice de dépression, ou tout au moins terrain favorable. Cette dépression n’étant que la conséquence du stress.
  3. Quand elle touche les cadres dirigeants, la dépression devient tabou.

La bienveillance des entreprises vis-à-vis de la dépression, le support qu’elles apportent à leurs employés au travers des plateformes de soutien psychologique souvent mal adaptées, ne sont souvent qu’une façade.

En éliminant le sens et l’intérêt du travail, en le déshumanisant par l’éclatement des liens sociaux et une pression psychologique  quasi permanente, certaines entreprises créent elle-même ce qu’elles se feront fort d’accepter ou de combattre… sans jamais poser les questions de fond ni remettre en cause les modes de fonctionnement !

Ce n’est pas sans raison que 3 Français sur 4 sont angoissés à l’idée de partir travailler et, à l’échelle de la France, le budget global des dépenses liées au stress et à la dépression se situent entre 1,17 et 1,97 milliard d’euros… à la charge de la collectivité.

Les cadres dirigeants ne sont pas mieux lotis. Certains se sacrifient en allant jusqu’au burn-out. Cette décision, qu’ils pensent dans l’intérêt de l’entreprise peut avoir l’effet totalement inverse.

Sans sa clé de voûte, sans son moteur, une entreprise a parfois plus à perdre dans cette situation extrême, que si elle avait eu à subir un aménagement, un ralentissement de l’implication de ce cadre, pour sa propre protection.

La véritable question n’est donc pas de savoir si la dépression et postes à responsabilité font bon ménage, mais comment éviter de la favoriser et aider chacun à agir contre cette dépression !

Agir individuellement contre la dépression

D’après les dernières études, seulement 6 à 10% des hommes et 12 à 20% des femmes seront confrontés, dans leur vie, à un épisode dépressif nécessitant des soins.

Les professionnels de santé eux-mêmes reconnaissent que, dans les 80 à 94% des cas restants, la dépression peut se traiter, parfois avec l’aide d’un traitement adaptée, au travers d’une approche relationnelle, basée sur l’écoute et l’accompagnement, comme la sophrologie.

Dans une période où la santé devient un luxe et où nous avons besoin de toutes les énergies, il nous faut apprendre à faire la différence entre une baisse de forme et une véritable dépression.

Nos médecins, et en particulier les psychiatres, sont trop peu nombreux pour que nous occupions inutilement leurs salles d’attente. Laissons-les s’occuper des cas qui le méritent vraiment.

En dehors des réflexions d’entreprises sur le management, il appartient à chacun d’entre nous de réagir. Chacun peut acquérir des outils, des méthodes et des techniques qui vont nous permettre de dépasser, à notre façon, ces états transitoires. De ne pas rester enfermés dans ces dépressions qui, par leurs durées et leurs répétitions, risquent de nous conduire un jour à la maladie.