aimerPeut-on aimer les autres sans s’aimer soi-même ? Qu’est-ce qu’aimer les autres dans notre société actuelle…

Ces questions ne sont pas nouvelles, elles intéressent les philosophes et les penseurs depuis l’antiquité grecque.

Pourtant, elles restent d’actualité, car la bienveillance, forme d’amour qui n’est pas obligatoirement celui auquel nous pensons, reste la base d’une vie équilibrée.

Pour traiter de ce sujet, j’ai le plaisir d’accueillir René Pirperet, un ami et lecteur de ce blog. René m’a fait le plaisir de participer à la rédaction de ce billet en me consacrant beaucoup de son temps pour me convaincre de l’importance de la bienveillance et de l’amour dans la méditation.

Mais il est temps de lui laisser la parole en espérant avoir réussi à retranscrire cette discussion pleine de sagesse.

Un modèle de société égoïste

Dans l’une de ses interviews, Fabrice Midal, philosophe français spécialiste du bouddhisme expliquait avec beaucoup de justesse la chose suivante : depuis Adam Smiths, Thomas Malthus, Charles Darwin jusqu’à Sigmund Freud et bien d’autres, un grand nombre de penseurs, philosophes ou économistes ont pour point commun d’avoir imaginés des sociétés dans lesquelles l’égoïsme est une composante majeure.

En effet, que l’on aille du « moi » intérieur au modèle d’économie ultra libérale, constitutif d’une société dans laquelle il faut « manger » l’autre pour ne pas être « mangé », où l’homme est un loup pour l’homme, rien ne pousse à la bienveillance ni à l’amour de soi, encore moins à aimer son prochain.

Le défaut de ce modèle est que, sauf exception, nous ne sommes pas faits pour vivre seuls. Combien même il est important de développer nos caractères propres, nous avons besoin de nous connecter aux autres et d’interagir avec eux pour donner un sens à nos actes. Comme le disait déjà Aristote, l’homme est un animal social. Sans tous ceux qui nous entourent, comment trouver le sel de la vie ?

Cette connexion aux autres se fait au travers de la bienveillance, de l’amour qu’on leur porte. Mais cet amour, que l’on va préciser, ne peut exister sans qu’auparavant nous ayons appris à s’aimer soi-même.

Aimer : Éros, Philia ou Agapé ?

Qu’est-ce que s’aimer soi-même ou aimer l’autre ? Comment définir cet amour ? Après tout, le fait de s’aimer soi-même n’est-il pas un acte égoïste de plus ?

Dans notre société occidentale, parler d’amour nous ramène trop souvent à la fleur bleue ou à la dimension sexuelle, à Éros ou Cupidon, symbole d’un amour qui « prend », à une pulsion de plaisir et de satisfaction que Freud opposait à Tanathos, la frustration.

Mais aimer ne se réduit par cette unique forme d’Éros. L’amour se décline aussi sous les traits de Philia et d’Agapé.

Philia désignait à l’origine l’hospitalité. Elle est devenue le symbole d’un sentiment désintéressé, qui rend possible l’amitié, la camaraderie, mais aussi la chaleur humaine et la générosité. Pour revenir à Aristote, c’est ce qui fait que nous aimons un être pour ce qu’il est et non pour ce qu’il peut nous apporter. C’est l’amour qui prend autant qu’il donne, un amour ouvert qui partage.

Agapé va encore plus loin en devenant l’amour inconditionnel. L’amour qui donne sans contrepartie. Sa traduction latine, caritas, est à l’origine de la charité dans la tradition chrétienne. Agapé se retrouve également dans la tradition bouddhiste, sous la forme de l’amour sans retour, de la bienveillance, du tout amour sans intervention de l’ego.

Peut-on être heureux sans aimer ?

S’aimer soi-même n’est pas si difficile. Le plus dur est de dépasser ce blocage ancré par notre culture et qui ramène l’amour à l’éros.

Une fois compris qu’il existe d’autres formes de bienveillance et d’amour, il est beaucoup plus facile de surmonter cette coupure avec notre propre coeur et d’ouvrir de nouveaux espaces avec les autres.

Pourtant, redonner droit à la Philia ou à l’Agapé sans s’inclure dans démarche reviendrait à se fixer un devoir, une règle qu’il nous faudrait respecter sans nous l’appliquer. Cela n’a aucun sens.

Il faut donc commencer par s’autoriser à s’aimer soi-même pour redécouvrir la Philia et l’Agapé qui nous relient aux autres, pour rétablir des relations ouvertes et mutuellement enrichissantes.

Mettre en pratique

Il paraît clair maintenant que l’on ne peut être heureux sans aimer dans tous les acceptations du terme. La mise en pratique peut sembler difficile, mais il n’en est rien.

André Comte-Sponville propose une approche simple, qui ressemble fortement à l’approche proposée par la sophrologie, pour que le bonheur d’aimer ait plus de chance d’exister :

  • Désirer un peu moins ce qui manque et un peu plus ce qui est,
  • Désirer un peu moins ce qui ne dépend pas de soi et un peu plus ce qui en dépend,
  • Espérer un peu moins et vouloir un peu plus (pour ce qui dépend de soi)
  • Espérer un peu moins et aimer un peu plus (pour ce qui dépend de soi)

Il ne vous reste plus qu’à vous autoriser à aimer et à suivre ces bons conseils pour être heureux avec vous-même et avec ceux qui vous entourent.